ça se prononce Owen, si tu m'appelle Eowyn ça va chauffer !

You're Free To Leave Me, But Just Don't Deceive, but please believe me when I Say, I Love You... .Vous vous souvenez de Gangs of New-York ? Ce film de Martin Scorcese qui prend place dans un quartier de New-York, en pleine période d'émigration irlandaise aux Etats-Unis ? C'est un bon film je trouve, un poil long, avec juste ce qu'il faut comme action, peut être un peu exagéré, mais qui retranscrit bien le climat du fameux quartier des Five Points de New-York à cette époque. C'est dans ces quartiers de New-York, dans les années 1850, que les premiers Irlandais sont arrivés aux Etats-Unis. Plusieurs raisons ont motivés ces mouvements de population, la grande famine de 1945, les persécutions religieuses et anglaises. Des millions d'Irlandais fuient leur pays natal vers ce qu'ils pensent être l'El Dorado. Le voyage généralement se faisait dans des conditions terribles et sur place ils retrouvent les mêmes problèmes qu'ils avaient quittés : ségrégation dans des quartiers comme les Five Points, pauvreté et grandes rivalités entre différents clans irlandais sans parler de petites guerres de religions. Il faudra au moins un siècle, que la deuxième guerre mondiale soit passée pour que les migrants irlandais soient totalement intégrés à la société américaine et encore tout cela reste très local, seul le nord-est des Etats-Unis semble concerné, des grandes villes comme New-York ou Boston, où les irlandais ont finalement été intégrés. Boston est devenu le coeur celtique des USA, avec ses quartiers emplis de la culture irlandaise, c'est ici que la famille Johnstone s'est installée en 1925.

Les Johnstone sont à la toute base, des notables de Belfast, ils sont aisés et vivent parmi les personnes les plus respectées dans la capitale. La Grande Famine semble loin et les soldats irlandais reviennent sur leur île après avoir combattu auprès des forces anglaises et malgré le Grand Oubli, cet déni de reconnaître les sacrifices irlandais dans les batailles par les irlandais eux-mêmes, le pays recommence à fonctionner normalement, pansant lentement ses plaies comme les autres Etats Européens. Et pourtant, le pays ne connu pas le repos pour autant. 21 janvier 1919 débutent les premiers affrontements entre les forces de l'Irish Republican Army et de l'Armée Britannique. Pendant plus de trois ans la guerre d'indépendance d'Irlande fit rage, divisant le pays et les familles. C'est le cas des Johnstone, la partie de la famille, la plus conservatrice, attachée aux grandes valeurs britanniques durent fuir pour les Etats-Unis pour échapper aux représailles, l'autre partie est restée en Irlande soutenant l'IRA. Ce fut une scission majeure dans la famille et aujourd'hui encore elle persiste.

Pourquoi je vous raconte des événements qui sont arrivés il y a plus de 50 ans dans le passé ? C'est juste pour que vous compreniez le contexte actuel de ma famille. Une partie est donc partie en 1925, à Boston, où les Irlandais étaient déjà bien intégrés, ils ont fait fortune là bas et aujourd'hui encore, ils font partie des grandes figures de la ville, plusieurs d'entre eux ayant fait la fierté des Theta Xi et des Pi Beta Phi entre autres. Mais ceux qui nous intéressent maintenant c'est ceux qui sont restés en Irlande, qui connurent la deuxième guerre mondiale et qui ont craint que le blitz ne les atteignent, à l'époque ils rompent avec l'IRA pour rejoindre l'effort de guerre britannique mais ils assument toujours le fait d'être restés en Irlande en 1925.

Moi je suis né en 1980, à Belfast, capitale de l'Irlande du Nord. Malgré la grande âme résistante de la famille, chez les Johnstone ça fleure bon la bonne grosse bourgeoisie. A la tête d'une exploitation agricole mes grands parents prospèrent depuis des années maintenant. Mes parents eux sont bien éduqués, ils reviennent de Londres, diplômés en économie, promis à une grande réussite, mais pas en Irlande, l'Irlande ce n'est pas assez bien pour eux et selon eux pas assez bien pour moi et mes frères et sœurs. Alors la jolie Belfast je ne l'ai connue que pendant 6 mois, et du plus loin que je me souviens j'en ai toujours voulu à mes parents de ne pas m'avoir laissé grandir en Irlande. Ils ne sont pas vraiment originaux mes parents, ils viennent à Boston, en espérant renouer avec le reste de la famille. Vaste connerie. Bien entendu que nos cousins installés là depuis 1925, nous on envoyé royalement balader, les vieilles blessures ne se referment pas comme çà. Economistes reconnus mes parents n'ont pas de mal à s'imposer dans le Massachusetts. Moi l'école ce n'est pas vraiment mon truc. Je bosse mais pas plus que ça, je passe les années mais vraiment de justesse. Je suis plus connu pour faire des conneries que pour briller dans mes études. Je suis le gosse qui traîne, le gosse qui fais les 400 coups avec sa bande, le gosse qui tourne ses parents en bourrique. Et pour les avoir fait tourné en bourrique je l'ai fait. Je n'ai jamais voulu vivre comme ces bourgeois qu'ils sont, je ne voulais pas rejeter le fait qu'à la base je suis irlandais, c'est ce que je suis et j'en suis fier. Alors oui je joue toujours franc jeu avec tout le monde, même avec mes parents. Je me fais des ennemis, chez les populaires en l'occurrence, combien de fois je suis rentré chez moi avec un œil au beurre noir parce que je m'étais battu dans la cours du collège ? Je me fous des études et des grandes écoles, des élites et de tout ceux qui veulent m'imposer des choses et me dire qui je suis. Oui je suis Irlandais et alors ? Non je suis pas roux ça te dérange ? Tu en as d'autres comme çà à me sortir ?

Tout ce que je sais c'est que le lycée n'as pas vu ma tronche, au plus grand dam de mes parents, mais quelque chose que je dois leur reconnaître c'est que malgré tout ce que j'ai pu faire et malgré le fait que je les ai beaucoup déçus ils ne m'ont jamais laissé tomber. Quand je suis parti en apprentissage, à faire des petits boulots, quand je me suis fais engagé dans les bars les plus miteux de la ville juste pour me faire des sous et leur montrer que je peux être indépendant. Jusqu'à ce que je parte du bercail avec le peux d'argent que j'avais pour me payer cet appartement miteux dans lequel j'habite toujours, bien qu'il ai été amélioré maintenant. J'ai pas mal trainé avant de réussir, j'ai eu beaucoup de déconvenues avant de pouvoir racheter le Sleep No More, m'installer à mon compte. Mais depuis que je bosse pour moi même, je suis devenu bien plus raisonnable et responsable, j'ai un employé sous ma responsabilité et ce n'est parce que j'ai été un petit con et que je le suis encore que je vais m'autoriser à gâcher sa vie, donc mon boulot c'est parfois d'être chiant avec lui, mais je ne veux pas lui donner de fausses illusions, je suis son patron et c'est mon rôle, après ça ne m'empêche pas de me taper de bons délires avec Enzo. Je vis la vie tout les jours, avec ce qu'elle m'apporte en joie et en merdes, on ne me dicte pas ce que je fais, ce que je dois penser. Je reste juste honnête et droit et tout le monde ne peut pas en dire autant. Un regret ? Mes frères et sœurs, je ne les vois plus, visiblement ils ont moins apprécié que mes parents le fait que je choisisse une voie moins prestigieuse. Si moi je fais comme si je m'en fous, c'est une blessure que je porte tout les jours. Une dernière précision? Mon nom? Eoin, c'est irlandais, ça se dit Owen, vous êtes prévenus...