Ask no questions and you'll get no lies - Jude

Jude…Quand on sait que mon prénom a été inspiré par une chanson des Beatles, ce serait hypocrite de se demander pourquoi j’ai mal tourné ensuite.

Non, plus sérieusement, même dans mes plus lointains souvenirs, à l’âge où les enfants se demandent d’où ils viennent, à l’âge où les enfants craignent d’être adoptés, moi, j’en avais l’intime conviction, pour être honnête, je l’espérais presque. Je me racontais des histoires dans ma tête au moment de dormir, me persuadant que le lendemain mes vrais parents viendraient me chercher, parce que c’était impossible, même à mes yeux d’enfant, les personnes qui m’élevaient, qui m’endoctrinaient, me répétant des règles et des formules de politesse qui ne m’évoquaient rien d’autre que l’ennui, qui insistaient sur le fait qu’il fallait absolument bien travailler à l’école pour pouvoir faire médecine plus tard et réussir sa vie, ces personnes-là ne pouvaient pas être mes parents, même à l’âge où je ne comprenais encore rien de la vie, j’en étais intimement persuadé, j’étais différent.

Moi, la médecine ça ne m’intéressait pas, faire attention à mon image, ça m’indifférait, moi ce que je voulais c’était être chanteur. Je me rappelais encore exactement de la première fois où j’avais dit ça, je ne devais pas avoir plus de quatre ans, j’étais en maternelle.
L’institutrice se baladait dans les rangs et nous demandait, un vague sourire aux lèvres, ce qu’on voulait faire plus tard, ça devait être drôle il faut dire, d’entendre des petits gamins prévoir un avenir qu’ils n’auraient probablement jamais, dire qu’ils voulaient devenir super-héros, pompier ou éleveur de poney…Et puis elle s’était tournée vers moi

« Et toi Jude tu veux faire quoi plus tard ? Médecin comme ton papa ? »

On pouvait observer qu’elle tentait de m’influencer à travers sa question, mais même maintenant je ne peux pas lui en vouloir, tout le monde savait qui était mon père et qui j’étais, c’était presque naturel d’y faire référence. J’avais levé les yeux vers elle et j’avais affirmé avec toute l’assurance de mes quatre ans.

« Non, moi je veux être chanteur. »

Elle avait froncé les sourcils puis ris un peu, c’est vrai quoi, c’était mignon un gamin qui rêvait.

« Ce n’est pas un vrai métier ça tu sais ? »

J’avais haussé les épaules et j’avais été clair et concis.


« Peut-être mais ce sera le mien. »


Et je n’avais plus jamais changé d’avis ensuite, ignorant royalement tous les commentaires désagréables, à commencer par les réflexions de ceux qui malgré mes espoirs naïfs, s’étaient avérés être mes vrais géniteurs.

Tant que je n’étais qu’un enfant, ma famille avait pardonné mes réflexions naïves, mes rêves étranges mais quand j’avais grandis et que je n’avais pas changé malgré tous leurs efforts, j’avais fini par devenir le vilain petit canard de cette famille, il en faut toujours un après tout, et cette place de monstre de foire ne me dérangeait même pas plus que ça.

On disait aux autres enfants de m’éviter, de ne pas m’adresser la parole, on me stigmatisait, me diabolisait et ils obéissaient tous bien sagement, sauf un, Stiles. Lui, au début il était comme les autres, il m’évitait mais finalement il avait fini par s’approcher de moi, me parler et j’avais fini par lui faire confiance et l’apprécier. Il ne m’a jamais trop dit ce que ces parents pensaient de ça, mais à mon avis ils ne devaient pas être ravis et le jour où nous nous sommes disputés, ils ont dû jubiler comme jamais.

Je n’ai pas vraiment envie de rentrer dans les détails de cette histoire, tout ce qu’il y a à savoir c’est que nous étions adolescents, qu’une fille, une belle garce celle-là, nous a monté l’un contre l’autre et qu’il nous a fallu un certain temps pour comprendre que c’était elle le problème.

Ce jour-là, nous nous sommes promis de ne plus jamais nous haïr juste pour les beaux yeux d’une femme. Stiles, même si il est différent de moi, est comme un frère, quand en réunion de famille j’arrive avec mes piercings, mes tatouages, mes vêtements « incorrects » selon leurs normes, quand tous les regards sont tournés vers moi, désapprobateur, c’est le seul à me sourire discrètement.