C'était devenu une habitude avec les années, quand j'avais une pause, une journée sans cours, je m'isolais et j'abusais de substances diverses et variées, plus ou moins légales, je n'expliquais pas vraiment mon geste, je le faisais par plaisir, parce que j'aimais perdre conscience quelques instants, me retrouver dans une réalité altérée, je le faisais par provocation parce qu'au fond je restais toujours un gamin en conflit avec le monde, je le faisais en prétendant que ça m'inspirait pour écrire mais je ne le faisais certainement pas pour me faire du mal...C'était là tout le paradoxe.
Soupirant, je levais les yeux vers le ciel, la nuit n'allait pas tarder à tomber, entre hallucinations et somnolence les dernières heures étaient passées à la vitesse de l'éclair, comme un simple battement de paupière et il était temps que je rentre, que je me replonge dans la réalité. J'avais probablement des choses à faire, des devoirs, du ménage, des tâches triviales dont je me foutais éperdument mais que j'effectuais tout de même par réflexe pour ne pas m'attirer plus d'ennuis que je n'en avais déjà.
Je me relevais frottant mes yeux qui devaient être rougis, et entrepris de sortir du parc, me déplaçant toujours d'un pas nonchalant.
C'est là que je le vis, ou plutôt pour être parfaitement exact, que je le reconnus, assis à une table l'air lui aussi parfaitement absorbé par son activité. Je ne me rappelais pas de son prénom mais je savais qu'il était en cours avec moi, là où, en général je restais insensible à la présence des autres élèves, là où je repoussais avec une certaine violence même, ceux qui essayaient de venir me parler, j'avais comme un sixième sens pour remarquer ceux qui désiraient se faire oublier, les timides, les brisés, les victimes...A croire que mon esprit était programmé pour les repérer et à croire que c'était aussi les seuls que j'acceptais dans mon entourage. Mes seuls amis, à l'exception de mon cousin, étaient tous des personnes brisées, des paumés, des ratés, des vilains petits canards, dans le petit monde que je me créait il n'y avait pas de place pour la popularité, pour les contes de fée, il n'y avait que la place d'admirer la souffrance. Comme je le disais souvent, il y avait du beau dans la déchéance.
Je m'approchais du brun et me laissais tomber à ses côtés, je ne savais pas si il allait m'apprécier ou non, si il allait tolérer ma présence ou me presser de partir mais qui ne tente rien n'a rien, j'étais devenu hermétique aux rejets et aux refus
« Salut »Ma voix sonnait étrange dans le silence, trop claire, trop forte, où c'était peut être les derniers effets de la drogue qui circulait encore dans mon sang qui me faisaient remarquer ça.
« Je suis Jude, on est ensemble en cours »Je suis Jude, le mec au fond de la classe, celui qui dort la moitié du temps et qui ne tient pas en place sur sa chaise l'autre moitié du temps, celui qui part avant les dernières recommandations des professeurs, celui qui claque les portes, qui se fait remarquer mais qui au fond se donne plus un genre qu'autre chose, ayant malgré tout d'excellentes notes. Enchanté.
Codage par Emi Burton